Jusqu'à ce dernier matin du 3 octobre, on a espéré. Tant
espéré que tu puisses décaler ton dernier envol. Mais la tour de
contrôle avait lancé son ordre et tu y es allé, avec un calme et
un courage qui font notre admiration immense.
La métaphore de l'envol n'est pas anodine, tu t'en doutes bien.
L’aéronautique était ta passion. Toute ta vie, tu as piloté ta
famille sans jamais décrocher dans les roulis et autres turbulences.
Une maîtrise impeccable pour nous protéger du mal de l'air, pour
nous aguerrir aux plans de vol, pour nous élever presque aussi haut
que toi. Et avec ta co-pilote, notre mère adorée, ta « Nénou »,
vous avez réalisé pour vos enfants le voyage le plus délicieux qui
soit. Forcément, durant ce long courrier, vous avez embarqué de
nouveaux passagers : 4 p'tits gars, 1 petite gamine et comme il
restait encore de la place dans la carlingue, 4 arrière-petits-gars
sont venus y prendre place.
La force tranquille, ce n'est pas qu'un slogan de 1981. La force
tranquille c'était toi. Et doté de cette disposition à laquelle on
peut ajouter intelligence, curiosité, courage, générosité,
ténacité, bienveillance, tendresse, hyper sensibilité et tant
d'autres, tu as passé ta vie à embellir la nôtre. Avec Maman-Nénou, vous nous avez transmis en premier le sens de la famille. Et, Ô chance, au sein de cette grande famille aux accents latins que tu
as épousée, on a formé un clan soudé dans le respect et la
solidarité. Tu t'es tellement épanoui dans la chaleur de ce foyer
que t'en as même un peu délaissé ta culture alsacienne : tu
as préféré la paëlla à la choucroute. On est très très
nombreux à confirmer que ta paëlla aurait pu faire pâlir de
jalousie tous les restaurateurs de Valencia. Et quand je dis
nombreux, je pèse mes mots car, oui, il y a eu cette particularité
heureuse à la maison : c'était table ouverte à toute la
famille, à tous les amis. Ta « Nénou » et toi vous
aviez le chic pour prolonger une simple visite courtoise en soirée
chaleureuse autour d'un p'tit canon et d'un « souper sans
se casser le bol » comme vous disiez.
Tu nous as transmis le goût du travail et de la créativité. Ton
boulot alimentaire était dur, vraiment pénible mais tu trouvais ça
ma foi normal et tu le faisais sans rechigner. Et en plus, rentré de
tes journées, de tes semaines d'absence, hop hop hop tu commençais une
seconde journée de travail, plaisir celui-là : un travail
d'inventeur. C'est comme ça qu'un jour, on s'est retrouvé avec un
autogire dans le jardin, un engin de savant fou que tu as fabriqué entièrement et qui volait pour de vrai. Tu t'es bien éclaté à le
piloter et si on tremblait de trouille quand tu décollais sur ce
machin, eh ben au fond de nous on était pleins d'admiration, de
respect et de fierté.
T'étais un créatif de talent. On pouvait te donner le dessin
d'un meuble à construire, un garde-corps ou un portail en fer à
réaliser de A à Z, un jardin à concevoir, une Austin-mini à
rafistoler, une ruine à restaurer, bref, tout ce que tu faisais
naître entre tes mains patientes et habiles nous époustouflait à
tous les coups.
Ce qui nous a bercés, qui nous a portés, c'est le duo de Nénou
unique que tu formais avec Maman. Vos épisodes à qui rouspètera le
mieux et le plus étaient des moments cocasses qui nous feront
sourire encore longtemps. Tu vas lui manquer douloureusement, tu
sais. Jusqu'aux derniers instants, elle t'a tenu la main, elle t'a
soigné, choyé avec son infinie tendresse. Ce 3 octobre 2018, ça faisait 55 ans que vous vous étiez dit oui...On ne vous a jamais
imaginés l'un sans l'autre. Tous les deux, vous nous avez tout donné
à nous et à vos petits-enfants. Ils faisaient votre fierté ces
petits. Sans vous, ils ne seraient pas les belles personnes qu'ils
sont aujourd'hui. On vous doit tellement à tous les deux.
Alors, on ne va pas se contenter d'un merci même du plus profond
du cœur. Ça ne suffit pas. Non, on va te promettre d'être toujours
dignes de ta fierté. On va te promettre tout notre amour pour ta
Nénou.
Maintenant qu'on se retrouve sans toi sur le tarmac de ta
piste d'atterrissage, on se demande bien vers quelle porte
d'embarquement on peut se diriger. Alors de là-haut, si tu peux
faire clignoter des balises pour nous guider encore, fais-le s'il te
plaît. On a tant besoin de toi…
Ta fille qui t'aime tant
Une salope de septicémie m'a arraché mon père adoré. Il avait tout juste 78 ans.
N'ayant pas trouvé le courage de faire de nouvelles photos
du jardin de mes chers parents, je republie un billet que j'avais
écrit en 2014. Mon père l'avait beaucoup aimé.
Mes chères amies et chers amis, je reviendrai plus tard sur le web, lorsque
mon immense tristesse s'apaisera. Je sais que vous comprenez...
Je vous embrasse.
Aline
21/02/2014
Les chiens font pas des chats…épisode 3
Il y a quelque mois, je vous avais fièrement
présenté les logis de mes Pious envolés du nid, (en Suisse pour mon Grand Scientifique et en
Haute-Savoie pour mon cadet Ecrivain/Musicien avec son amoureuse). Et après les univers des 2/3 de ma
descendance (la chambre de Poussine Tornade est toujours en bazar et, si c'est
sympa pour elle, ça l'est moins en photo sur ce blog), aujourd’hui je
vous invite chez mes ascendants directs : ceux grâce à
qui j’écris toutes ces inepties choses bigrement intéressantes ;
ceux grâce à qui j’ai développé un goût immodéré pour le jardinage, la récup, la
brocante, le bricolage mais aussi la douce paresse ; Ceux à qui j’en ai fait voir de toutes les
couleurs mais pas toujours avec les fleurs du jardin…
Entrez donc dans le jardin de mes parents :
Chez moi, euh...enfin chez mes parents mais je dis encore "chez
moi" histoire de ne pas trop sentir le poids de mon déclin, Papa est en bas qui coupe du bois, maman
est en haut qui fait du gâteau et ...Le cliché s'arrête ici car je n'ai
jamais chanté "fais dodooo Colaaas mon p'tit frèreuh..." Primo parce
que mon frère ne s'appelle pas Colas, et deuzio parce que je chante
comme une casserole et que tout le monde me dit "ferme-là, i va
pleuvoir"... - Bon sang, mais j'y suis ! Ne cherchez plus les mystères
des pluies abondantes qui nous ont frappés : cet hiver, j'ai été obligée
de chanter plus que de raison pour faire plaisir à ma poussine Tornade.
Mea culpa...-
Mais
où en étais-je ? Oui, le duo complémentaire que forment mes parents ne
se marche pas sur les pieds dans le jardin. C'est mon père qui oeuvre et
ma mère qui approuve (enfin, pas toujours sinon c'est pas drôle). J'ai
donc grandi, entourée de ce jardin dont j'ai le souvenir des moindres
périodes de son évolution. C'est probablement ici, que j'ai été piquée
au vert dès mon plus jeune âge.
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Un
immense bassin avec plein de poissons qui fait la joie de ma Poussine
comme il a fait la joie de ses grands frères et cousins et fera la joie
des arrières-petits-enfants |
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Mes parents sont des chineurs invétérés : la gloriette en fer et les éléments de déco de leur jardin ne sont que récup' |
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Un simple laurier tin joliment taillé |
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C'est
ici, sur ce petit morceau de terre que j'ai sévi avec ma pelle et ma
mini-bêche pour la première fois. Bon OK, y a plus rien à voir mais
fermez les yeux et imaginez... |
Séquence émotion : c'est
ma première parcelle de jeux jardiniers ; j'étais une enfant calme et
patiente (ahem...la plupart du temps), avec une forte propension aux
occupations terreuses. Je m'étais donc approprié cet espace, alors plus
grand vu que les lauriers-cerise étaient nouvellement plantés, et
j'avais installé là des hémérocalles, un lilas, un rosier, diverses
petites annuelles, et quelques légumes dont j'étais particulièrement
fière ; je m'en souviens comme si c'était hier (faites bien la liaison
"thièèr", ça le fait +). Avec mes yeux d'enfant, je trouvais mes
créations fleuries franchement magnifiques. Puis discrètement, à l'aube
de mon adolescence, alors que mon intérêt pour le jardin était en
furieuse perte de vitesse, mon père a viré mes plantations : "c'est
qu'il me faut de la place pour les dalles de l'étendoir" a-t-il
mollement bafouillé pour se justifier lorsque j'ai protesté tout aussi
mollement. Que dalle, ses dalles ! C'était juste un fouillis très moche
mon jardinet mais il a pas voulu me vexer davantage !
Peu importe, l'incubation du virus du jardinage faisait déjà son oeuvre...
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Des murets, des balustres, un petit abri pour la filtration du bassin : mon père construit absolument tout lui-même ! |
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Des
pervenches toutes fleuries colonisent une plate bande côté
salle-à-manger d'été que je vous montrerai dans un prochain épisode.
Voui, ça vaut le détour la salle à manger d'été de mes parents ! |
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Un
énorme galet, des conifères taillés en nuages, des plantes grasses ou
une jarre géante fontaine assurent le décor permanent de la piscine
auquel sont associées chaque année de nouvelles surprises |
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Du bois flotté négligemment posé sur une superbe jarre en ciment 1900. J'adore ! |
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Un ancien porte-bouteilles est devenu tuteur de rosier grimpant... |
J'ai
une tendresse infinie pour le jardin de mon enfance. Aujourd'hui, plus
que jamais, je ne me lasse pas d'y passer un moment de paix, assurée de
découvrir encore et encore une nouveauté végétale ou un élément de
décoration insolite. C'est là que j'ai compris que cultiver son jardin
est la clé d'une belle vitalité. Mes parents en sont la preuve vivante.
Pour mon plus grand bonheur...
Vous avez vu là leur jardin tel qu'il est en cette fin de mois de février. Au printemps, l'exubérance
des végétaux en fait un paradis terrestre hors du commun à mes yeux. Et
puis surtout, il y a un potager...Je vous montrerai...
Alors ? Quand je vous dis que les chiens font pas des chats, vous voyez l'esprit ?
La jardinière en herbe, petite fille du soleil